Crèmes d'évangélistes

Cuiller en main, Xavier a soudain décidé de gober le Flamby démoulé qui tremblotait dans l'assiette : «Il avait pas l'air trop gros, c'était jouable.» Novembre 1996. Cette pulsion représente l'acte fondateur du très sérieux Club des Gobeurs de Flamby. Seize mois plus tard, le site web du CGF se veut point de ralliement international d'un mouvement presque underground. Aujourd'hui, le CGF compte douze membres actifs, «gobeurs réguliers». Et Xavier, 23 ans et étudiant à Toulouse, poursuit avec ses disciples une mission «d'évangélisation». «Nous organisons des soirées d'initiation, à peu près tous les quinze jours.» Réunis dans l'un ou l'autre de leurs apparts toulousains, les fondus du flan s'offrent des séances de gobage en chaîne. «Pas toujours de la même façon», précise Xavier. Sur le site, on découvre 28 techniques différentes. Du «gobage simple» (on tire la languette, on démoule, on gobe) au «Flanby Cousteau» (le flan sous l'eau à avaler en apnée). Photos (gore) à l'appui. «Ma méthode préférée, c'est le Flanby flambé», proclame Xavier. Pour initiés seulement : il s'agit de remplir de rhum un trou creusé à la cuiller dans le Flanby démoulé, puis de mettre le feu avant de gober. «Au début, les flammes irritent la gorge, raconte Xavier. Mais la fraîcheur du Flanby apaise très vite la douleur.» Un phénomène scientifique connu sous le nom d'«effet Canadair». Le gobage de crème caramel serait-il une activité sexiste ? «Il est très rare de rencontrer une femme qui gobe bien, déplore Xavier. Elles restent souvent coincées aux trois quarts.» Côté matériel, les gobeurs privilégient le Flanby de marque. «A la rigueur ceux vendu par Casino», concède Xavier. Dans tous les cas, la présence d'une languette pour faciliter le démoulage s'impose, sinon «il faut percer soi-même le trou au fond du pot».

F.L. (Libération, 20/3/98)